ContrairementĂ ce qui semble lâĂ©vidence, que lâEtat assure la sĂ©curitĂ© et protĂšge les citoyens, la question retourne lâĂ©vidence comme un gant en suggĂ©rant deux choses :
unmal nĂ©cessaire Le mensonge, câest un fait, nâest pas bien vu par notre sociĂ©tĂ© en quĂȘte de transparence. Dans un monde oĂč la « traçabilitĂ© » (des produits, des idĂ©es et mĂȘme des ĂȘtres) fait loi, il dĂ©tonne et « fait tache ». DĂ©stabilisant, dĂ©rangeant, il parle de masques, Ă©voque ce qui se cache. Qui ose aujourdâhui
Dune part, l'Etat est nĂ©cessaire auxindividus, puisqu'il les fait accĂ©der Ă la conscience d'eux-mĂȘmes et structure leur personnalitĂ©. D'autre part il sembleles rĂ©duire Ă des
LĂtat estâil un mal nĂ©cessaire ? Lâintervention de lâĂtat estâelle nĂ©cessaire pour rĂ©duire les injustices ? LâĂtat estâil menacĂ© quand les citoyens discutent les lois ? Propositions pour une Ćuvre suivie. JeanâJacques Rousseau, Du contrat social, 1762 âą Retrouvez la fiche ici. Baruch Spinoza, TraitĂ© politique, 1670; Aristote, Politique, vers 330 av. J.-C.
Ătatde SantĂ© : LâexpĂ©rimentation animale : un mal nĂ©cessaire ? LâexpĂ©rimentation animale a permis des avancĂ©es thĂ©rapeutiques significatives mais aujourdâhui, elle rĂ©volte de plus en plus lâopinion publique. Sous la pression citoyenne, lâUnion europĂ©enne a interdit en 2004 lâutilisation dâanimaux dans le cadre de la
Vay Tiá»n TráșŁ GĂłp Theo ThĂĄng Chá» Cáș§n Cmnd Há» Trợ Nợ Xáș„u. Machiavel A la recherche du chef d'Etat idĂ©al La question du rapport entre pouvoir, Etat, politique et morale est au cĆur de la pensĂ©e de Machiavel quâest-ce quâun bon chef dâĂ©tat ? Quelles qualitĂ©s font un bon politique ? Comment doit-il gĂ©rer la vie politique ? Pour ne pas redĂ©couvrir la lune, jetons un coup dâoeil sur le penseur qui a fondĂ© la philosophie politique moderne Machiavel. Dans son cĂ©lĂšbre texte Le Prince, le florentin, qui a passĂ© sa vie au plus prĂšs du pouvoir auprĂšs de CĂ©sar Borgia Ă qui s'adresse Le Prince, tente un portrait-robot du gouvernant. DâemblĂ©e, Machiavel rĂ©fute toute conception morale du pouvoir le chef de lâĂ©tat ne doit pas obĂ©ir Ă une morale fixe, mais sâadapter aux circonstances, ce quâil appelle la fortune âfortunaâ, en latin, signifie la chance, le destin. En dissociant la morale du pouvoir, il ne dit pourtant pas que le chef de lâĂ©tat doive ĂȘtre immoral, mais quâil peut sâaffranchir de la morale si câest nĂ©cessaire. Câest ce quâaujourdâhui on appellerait le pragmatisme, ou le primat de la fin sur les moyens. Autrement dit, le chef de lâĂ©tat doit maĂźtriser et faire foin de toute idĂ©alisme qui le contraindrait Ă moraliser sa politique. La morale de Machiavel n'est donc pas un formalisme Ă©thique comme chez kant par exemple, mais plutĂŽt une invention permanente de celui qui la pratique la morale machiavĂ©lienne est immanente, et non transcendante. Kant s'opposera Ă cette conception du pouvoir, en plaçant les intentions au-dessus des rĂ©sultats. A la diffĂ©rence, pour Machiavel, l'action politique ne peut ĂȘtre jugĂ© que sur sa rĂ©alitĂ© et non sur ses potentialitĂ©s ou les intentions qui la fondent. Machiavel dĂ©finit le champ politique comme le lieu d'affrontement du destin fortuna et de la volontĂ© virtu. Le chef d'Etat doit incarner cette volontĂ© de dĂ©passement de la nĂ©cessitĂ©, le dĂ©passement des contraintes naturelles ou conjoncturelles. Un personnage en vue Avant tout, le chef de lâĂ©tat est un personnage public, il est sans cesse âen vueâd'autant plus dans nos dĂ©mocraties mĂ©diatiques, ou âmĂ©diacratieâ. Câest pour cette raison quâil doit maĂźtriser son image il doit donc paraĂźtre possĂ©der des qualitĂ©s quâil ne dĂ©tient pas forcĂ©ment. Ses dĂ©fauts seront cachĂ©s au public pour ne pas le dĂ©stabiliser. On voit Ă quel point ceci est moderne. Aujourdâhui, ce sont les conseillers en communication âspin doctorsâ qui gĂšrent lâimage des hommes politiques via des mĂ©thodes telles que l'analyse des sondages ou le media training, en tentant de les faire apparaĂźtre sous leur meilleur jour. Parce qu'il est en permanence sous le regard des autres, le politique de Machiavel doit dissimiler ses dĂ©fauts et feindre des qualitĂ©s qu'il ne dĂ©tient pas. Machiavel et la maĂźtrise de la vie politique Le chef de lâĂ©tat doit Ă©galement mettre sous contrĂŽle ses opposants. Machiavel prĂŽne Ă leur Ă©gard une politique de fermetĂ©. La dissidence doit ĂȘtre endiguĂ©e car elle est la racine de la rĂ©volte. Or, selon Machiavel, cela va de soi, le chef de lâĂ©tat nâa quâun seul but la conservation du pouvoir. En un mot la fin, lĂ aussi, justifie les moyens. Si le politique est menacĂ© par ses opposants, il ne doit pas s'empĂȘcher de les emprisonner. Ainsi, le trait dominant du âbonâ chef de lâĂ©tat, câest la âVIRTUâ, c'est-Ă -dire le contrĂŽle, la maĂźtrise de soi lâimage, de lâavenir le destin, de ses opposants la vie politique. Cette politique de contrĂŽle est, de nos jours, appelĂ©e RealPolitik. C'est loin du cynisme auquel Machiavel est souvent rĂ©duit âŠ
Le personnage Thomas HOBBES est nĂ© en 1588 dans une famille de commerçants de la moyenne bourgeoisie. Il a Ă©tudiĂ© Ă Oxford 1, pour devenir, dĂšs lâĂąge de vingt ans, le prĂ©cepteur du fils du Comte de Devonshire, futur Prince de Galles. Hobbes restera attachĂ© Ă cette famille jusquâĂ sa mort, en 1679, Ă lâĂąge de 91 ans. Entre 1629 et 1649, Thomas Hobbes effectue plusieurs voyages sur le continent. Lors dâun passage Ă Florence, il aurait rencontrĂ© GalilĂ©e, lequel lâaurait encouragĂ© Ă appliquer ses idĂ©es Ă la politique. De toutes les personnalitĂ©s savantes quâil aura frĂ©quentĂ©es, câest vers Gassendi, le PĂšre Mersenne, et son compatriote le Docteur William Harvey, qui a mis en Ă©vidence la circulation du sang, quâira lâadmiration de Th. Hobbes. FormĂ© Ă la littĂ©rature scientifique et philosophique Hobbes rĂ©dige, en 1640, son premier traitĂ© de philosophie politique ĂlĂ©ments de la loi naturelle et politique. Lâouvrage, qui traite de la nature humaine, de philosophie morale et politique, circule sous le manteau. LâAngleterre connaĂźt alors des heures sombres. Hobbes, sentant la guerre civile, sâexile en France, oĂč il se fait une belle rĂ©putation, dĂšs 1642, avec son De Cive. Ă vouloir dĂ©montrer la quadrature du cercle, sa mathĂ©matique passe pour ĂȘtre fantaisiste. Il ne sera pas plus heureux avec la physique, oĂč contrairement Ă Pascal et Ă Newton, Hobbes considĂšre quâil nây a pas de vide dans la nature. Ce thĂšme lui vaudra une sĂ©vĂšre querelle avec le CollĂšge Royal. Ă Londres la rĂ©volte Ă©clate. On reproche au roi Charles de dilapider les impĂŽts quâil prĂ©lĂšve. Le souverain nâaurait-il de comptes Ă rendre Ă personne ? Le parlement nâest pas dâaccord. Charles 1er est dĂ©capitĂ© en 1649. Hobbes, qui a le mal du pays rentre alors en Angleterre, oĂč Cromwell a le pouvoir. Les royalistes exilĂ©s en France, craignant la confiscation de leurs biens, rentrent aussi au pays. La restitution des biens est conditionnĂ©e par une taxe ! On nâa rien sans rien. Charles II monte sur le trĂŽne en 1651, annĂ©e de la publication du LĂ©viathan, dans lequel Hobbes tente, entre autres, de rĂ©pondre Ă la question "quâest-ce que lâĂtat ? Pourquoi lui obĂ©ir " Hobbes continue de manifester de lâintĂ©rĂȘt pour la gĂ©omĂ©trie, la politique, et lâoptique oĂč, dit-on, il a Ă©chouĂ©. Câest cependant oublier que Hobbes a Ă©tabli le thĂ©orĂšme de la rĂ©fraction de la lumiĂšre, ce qui nâest pas la moindre des affaires. En revanche il est trĂšs fier de sa morale et de sa politique. Il prĂ©tend avoir fondĂ© la science politique avec le De Corpore, bien que soit acquise sa rĂ©putation dâĂ©crivain politique avec le De Cive. En 1666, le LĂ©viathan, jugĂ© trop critique sur le plan religieux, est condamnĂ© en Angleterre. On accuse Hobbes dâĂȘtre athĂ©e, bien quâil soit attachĂ© Ă lâĂglise anglicane. Certains lâont rangĂ© parmi les âmatĂ©rialistesâ, au point quâil arrive quâHobbes soit aujourdâhui considĂ©rĂ© comme le prĂ©curseur, avec Spinoza, du matĂ©rialisme marxiste. Ses thĂšses font scandale. Descartes lui reproche dâĂȘtre en faveur de la monarchie, de penser que les hommes sont fonciĂšrement mĂ©chants. Hobbes passe aussi pour un plagiaire 2. On lui reproche enfin sa vision prĂ©-totalitaire du pouvoir, et on lâaffecte du doux adjectif de âmonstrueuxâ. Hobbes fonde sa philosophie sur un principe matĂ©rialiste mĂ©caniste 3 Hobbes, dotĂ© dâun esprit mĂ©thodique et systĂ©matique, fait une observation mĂ©caniste de la nature. Lâhomme, selon lui, est soumis Ă un comportement dĂ©terministe soutenu par le matĂ©rialisme mĂ©caniste. Les Ă©motions, les volontĂ©s, les instincts, les passions sont dĂ©terminĂ©s mĂ©caniquement. Aussi la vie psychique de lâhomme exclut-elle tout libre arbitre. Comme tous les empiristes Hobbes pense que les sensations sont la source de la connaissance et la garantie de la certitude. Le XVIIe siĂšcle connaĂźt beaucoup dâauteurs au savoir encyclopĂ©dique, parmi lesquels on distingue les rationalistes, qui pensent quâon peut dĂ©barrasser lâesprit des sens, comme Descartes, des empiristes, parmi lesquels se rangent Hobbes, Locke, Berkeley, Bacon. Pour Hobbes la pensĂ©e a un sujet câest le corps qui pense, alors que pour Descartes la chose pensante est irrĂ©ductible. Hobbes, nâaccorde de considĂ©ration ni Ă lâesprit ni Ă lâĂąme. Il explique que les phĂ©nomĂšnes de la nature peuvent ĂȘtre expliquĂ©s par le langage des mathĂ©matiques. La nature devient tout Ă coup intelligible 4. La physique, contrairement Ă lâalchimie, est appelĂ©e Philosophie de la nature, science thĂ©orĂ©tique selon Aristote qui, en lâabsence de thĂ©ologie 5, lâeut retenue comme Philosophie premiĂšre. Hobbes est-il nominaliste ? Leibniz lâa prĂ©tendu. Le sujet sâest assurĂ© une belle carriĂšre, tant les querelles ont Ă©tĂ© rudes depuis BoĂšce. Ou les concepts sont des mots, ou bien ce sont des rĂ©alitĂ©s. On appelle nominalistes ceux qui tiennent les universaux pour des mots, et rĂ©alistes ceux qui tiennent les universaux pour des rĂ©alitĂ©s en soi. La question des universaux se tient comme un volcan en sommeil jusquâau XIĂš siĂšcle, rĂ©veillĂ©e par Guillaume de Champeaux obligĂ© de croiser le fer avec AbĂ©lard qui dĂ©montrait que les universaux sont tout juste des mots. Hobbes incline en effet vers une doctrine nominaliste. Cependant sa thĂšse prĂ©tend que le rĂ©el est Ă©vident, et que le rĂ©el est fait de mouvements et de corps. Cette Ă©vidence naturelle donne du sens Ă la raison qui a la capacitĂ© de manipulation des noms. Ces noms ne sont pas nâimporte quoi. LĂ -dessus sâĂ©tablit un dialogue de sourds entre Hobbes et Descartes dans lequel sâexprime la part de rĂ©alisme de la pensĂ©e de Hobbes. LâĂ©tat de nature de lâhomme 6 Câest prĂ©cisĂ©ment Ă partir dâune philosophie rigoureusement mĂ©caniste que Thomas Hobbes dĂ©veloppe sa conception de la nature humaine. Lâhomme Ă lâĂ©tat de nature est un individu jaloux de sa distinction. La rivalitĂ©, la mĂ©fiance et la fiertĂ©, qui manifestent un souci extrĂȘme du profit, de la sĂ©curitĂ© et de la rĂ©putation personnelles sont les passions nĂ©cessaires de tout un chacun. La conduite de lâhomme rĂ©sulte dâun jeu de forces mĂ©caniques et dâune soumission aux passions, lesquelles le tiraillent au point que l'homme devient Ă la fois source et objet de violence. Il cherche Ă se rendre maĂźtre dâautrui, Ă le conquĂ©rir par la violence ou par la ruse. Cet Ă©tat de nature sans droit rĂšgne en cohabitation avec le dĂ©sir permanent de lâhomme de disposer dâune certaine sĂ©curitĂ©, et la nĂ©cessitĂ© dâĂ©chapper Ă la mort. Car dĂšs lors quâil sâautorise Ă ĂȘtre violent il sâoffre du mĂȘme coup Ă la violence dâautrui. Une autre passion limite lâhomme, selon Hobbes, câest la peur de la mort. Il dit que sa mĂšre a enfantĂ© deux jumeaux âmoi-mĂȘme et la peur.â Hobbes envisagerait-il lâhomme comme a-sociable, voire comme on lâa dit âmĂ©chantâ de nature ? En tout cas les hommes ne sont pas faits pour vivre ensemble. Il fait sienne la formule âLâhomme est un loup pour lâhommeâ. Sa lecture du droit naturel est une lecture physique. Les hommes seraient dotĂ©s dâune force qui leur permettrait de vivre selon cette force. Pour Hobbes ni la mĂ©chancetĂ© ni la bontĂ© ne peuvent prĂ©valoir sur la dĂ©cision de ce qui est bien ou de ce qui est mal. Lâhomme est innocent. Mais si lâon laisse libre cours Ă sa nature, on aboutit Ă une situation impossible. Chacun promeut son intĂ©rĂȘt personnel, y engageant sa force, mĂ» par ses dĂ©sirs. DâoĂč lâĂ©tat de guerre consĂ©quent. Cet Ă©tat-nature est le produit de la passion des hommes. Pour Hobbes comme pour Spinoza, lâĂ©tat de nature est lieu de lutte pour la survie. Ainsi est justifiĂ© le primat de la sĂ©curitĂ©. La libertĂ© vient en second. Ce que Rousseau contestera "la vie ne vaut rien sâil nây a pas la libertĂ©". De la libertĂ© et de la sĂ©curitĂ© quelle est la valeur inaliĂ©nable principielle ? Si Rousseau dĂ©clare que câest la libertĂ© â âLa libertĂ© ou la mort!ââ, Hobbes donne le primat Ă la sĂ©curitĂ©, Ă la vie. Devant cette alternative, La BoĂ©tie prĂ©sente lâesclave, qui peut nâavoir pas envie de se rĂ©volter, et prĂ©fĂšre se rĂ©fugier et assurer sa sĂ©curitĂ© dans lâaliĂ©nation 7. La dialectique de la nature humaine se construit sur deux passions la domination de lâautre, et la prĂ©servation de sa propre existence. Ces deux antithĂšses peuvent-elles dĂ©boucher sur une sphĂšre de conciliation ? Hobbes, en tout cas, sâattache Ă rĂ©soudre cette contradiction. De la nĂ©cessitĂ© de lâĂtat Il faut sortir au plus vite de lâĂ©tat de nature. Le droit naturel doit disparaĂźtre dans le droit positif enracinĂ© dans la puissance de lâĂ©tat. Et parce que lâhomme privilĂ©gie la vie, la sĂ©curitĂ© devra donc ĂȘtre la finalitĂ© principale de lâaction politique 8. On attend du souverain quâil garantisse la sĂ©curitĂ©. Contrairement Ă la situation irrationnelle de la nature de lâhomme, lâĂtat est construction rationnelle. Comment ? Ici intervient la science moderne. Hobbes applique Ă la lettre le principe de GalilĂ©e. Celui-ci prĂ©tend quâaprĂšs avoir lĂąchĂ© du haut dâun balcon deux corps de masses diffĂ©rentes, ces deux corps tombent en mĂȘme temps 9 . Tout le monde sâĂ©tonne. GalilĂ©e a imaginĂ© les corps dans le vide. Donc il fait une expĂ©rience de pensĂ©e, abstraite. Hobbes applique cette expĂ©rience aux hommes. Tous les hommes, comme tous les corps qui chutent, sont Ă©gaux âLe plus faible a toujours assez de force pour tuer le plus fortâ 10. Autrement dit, le plus fort nâest jamais assez fort pour demeurer invariablement le maĂźtre. Devant la mort tous les individus sont Ă©gaux. Et si de lâappĂ©tit humain de domination procĂšde la violence et la peur de la mort violente causĂ©e par autrui, il faut une loi qui prĂ©serve la vie, en inspirant aux hommes un contrat aboutissant Ă la fondation de la sociĂ©tĂ© civile et de lâĂtat. Si lâon veut la paix, et assurer, prĂ©server, garantir sa vie, sa propriĂ©tĂ©, sa sĂ©curitĂ©, sa libertĂ©, alors il faut devenir citoyen dâun Ătat. Au droit de nature Hobbes substitue une loi de nature. Quâest-ce que cela signifie ? Les hommes dĂ©laissent leur droit de nature, par un consentement mutuel et gĂ©nĂ©ral. Ils le transfĂšrent en quelque sorte, Ă un souverain individu ou assemblĂ©e auquel ils dĂ©lĂšguent le pouvoir politique en leur nom. LâĂtat ne se prĂ©sente plus, comme chez Aristote qui voyait en lâĂtat le prolongement de la nature humaine 11, mais comme une construction artificielle et rationnelle des hommes. La souverainetĂ© se trouve lĂ©gitimĂ©e par la dĂ©cision libre dâune dĂ©lĂ©gation. Elle a toutes les raisons dâĂȘtre absolue. Lâessence du pouvoir, pour Hobbes, est dâĂȘtre absolu. Comment lâĂtat peut sâassurer dâun pouvoir absolu ? Le LĂ©viathan devra sâadjoindre la plus grande puissance 12, celle qui est formĂ©e par le transfert des puissances individuelles. La puissance que sâadjoint le LĂ©viathan est fondĂ©e sur le nombre. Et aussi sur la reconnaissance. Aussi convient-il de faire valoir ses qualitĂ©s. La puissance dâautrui peut sâinfĂ©oder Ă la puissance rĂ©gnante et lâaccroĂźtre. Telle est la thĂ©orie de lâindividualisme possessif qui rĂ©duit lâhomme Ă nâĂȘtre quâune marchandise dont il sâagit de dĂ©terminer le prix, et dont les amis ne sont que des moyens dâappoint destinĂ©s Ă servir. Hobbes fait de la scĂšne du monde un théùtre que lâĂ©tat civil nâannihile sans doute pas. LâĂtat assure la sĂ©curitĂ©, lâordre. Il est la source unique de la loi. Conclusion Hobbes Ă©tablit une thĂ©orie rationnelle du pouvoir politique fondĂ©e sur la nature humaine. Il rompt avec la thĂ©orie de la souverainetĂ© dâorigine thĂ©ologique 13. Hobbes aura jetĂ©, avec Machiavel, les bases de la science politique moderne, en Ă©tablissant une thĂ©orie rationnelle du pouvoir. De la dĂ©finition de lâĂtat 14 Hobbes tente de produire une dĂ©finition de lâĂtat âĂ la maniĂšre dont les gĂ©omĂštres produisent la dĂ©finition dâun objetâ 15. Il sâagit dâabord de dĂ©terminer les conditions formelles de lâĂtat. Les conditions qui font que lâĂtat est ce quâil est Ă©tant connues, il reste Ă construire lâĂtat. La gĂ©nĂ©ration de lâĂtat consiste Ă Ă©tablir, Ă la faveur dâune convention entre les individus, une puissance commune. âCe qui revient Ă dire dĂ©signer un homme, ou une assemblĂ©e, pour porter leur personneâ 16. Ce reprĂ©sentant est souverain. Souverain dâune multitude unie en une personne. Câest cette union qui constitue lâĂtat. Telle est la cause formelle, au sens aristotĂ©licien, de lâĂtat. âTelle est la gĂ©nĂ©ration de ce grand LĂ©viathan ..., de ce dieu mortelâ 17. On le constate, Hobbes dĂ©finit lâĂtat comme âune personne une, dont les actes ont pour auteur ... chacun des membres dâune grande multitude, afin que celui qui est cette personne puisse utiliser la force et les moyens de tous comme il lâestimera convenir Ă leur paix et Ă leur dĂ©fense commune.â18 La construction de la figure fondamentale de la gĂ©omĂ©trie politique repose ainsi sur la souverainetĂ© dâune personne artificielle ayant le pouvoir dâagir au nom de tous 19 , comme puissance dâĂtat issue de la convention passĂ©e entre les individus, dont la diversitĂ© des intĂ©rĂȘts et leur opposition est plus forte que la sociabilitĂ© du genre humain. Force est donc dâobĂ©ir. Ni parlementaire, ni religieux, le souverain est dotĂ© dâun pouvoir absolu sur les hommes qui doivent renoncer Ă tous leurs droits 20. Le pouvoir du souverain sâĂ©tend sur tous, sur toutes les institutions, y compris lâautoritĂ© ecclĂ©siale. Sâil y a une religion Hobbes envisage quâelle soit dâĂtat. Ainsi doit-elle ĂȘtre assujettie Ă la volontĂ© du pouvoir absolu du souverain. âTout un chacun est son sujet.â LĂ©gitimitĂ© du souverain Hobbes invente la thĂ©orie de lâobligation. Le souverain est une âpersonneâ, fictive, et comme le masque romain de théùtre, le souverain parle au nom de lâ âauteurâ, câest-Ă -dire au nom de ceux auxquels il garantit lâordre. LâĂtat est la reprĂ©sentation fidĂšle de la volontĂ© des individus, telle quâelle se dĂ©gage du contrat quâils passent entre eux21. Les hommes doivent sâengager les uns vis-Ă -vis des autres au profit dâun tiers. Le souverain doit ĂȘtre au-dessus des lois. Hobbes Ă©labore un contrat de soumission âmonarchisteâ, par lequel lâaliĂ©nation intĂ©grale du droit des sujets les soumet Ă un pouvoir du souverain illimitĂ©. LâunitĂ© du souverain fait lâunitĂ© du peuple. Et âil nây a pas sur la terre de pouvoir auquel on peut le comparerâ 22. Ă l'opposĂ©, Rousseau, Ă©laborera un contrat de type dĂ©mocratique tous donnant Ă tous, câest le peuple qui est souverain 23. Le souverain nâest ni lâexpression du droit divin, ni le cadre naturel de la vie communautaire, mais le produit des individus qui ont voulu se donner un reprĂ©sentant. Kant sâinspirera de la doctrine de Hobbes pour dire que le peuple nâest constituĂ© comme tel, comme instance de dĂ©cision unifiĂ©e, âvolontĂ© universellement lĂ©gislatriceâ, que par lâinstitution du souverain. Ce sont ces individus qui, par leur vote dĂ©signant le souverain, lâautorisent dans toutes ses actions et ses jugements comme si ces actions ou ces jugements Ă©taient ceux des individus qui lâont dĂ©signĂ©. DĂšs lors la forme de gouvernement est inattaquable. Les âsujetsâ nây peuvent plus rien changer. Il sont comme prisonniers dâune geĂŽle quâils ont Ă©difiĂ©e, en vue, rappelons-le, dâassurer leur sĂ©curitĂ©. Car le rĂŽle du souverain se maintient dans la recherche de la paix et du consentement entre tous. LâĂtat doit permettre aux citoyens dâagir dans la tranquillitĂ©. Chacun reconnaĂźt la nĂ©cessitĂ© pour lâĂtat de constituer la puissance commune capable de faire face Ă lâinsĂ©curitĂ© qui rĂ©sulte immanquablement du caractĂšre pluriel de la condition humaine qui met en Ă©vidence la tension permanente entre les intĂ©rĂȘts particuliers et lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. On ne sâĂ©tonnera pas de lâintĂ©rĂȘt de Marx pour lâimportance accordĂ©e par Hobbes Ă la rĂ©alitĂ© du rapport des forces. Le souverain est juge et censeur. Il donne des ordres Ă la multitude des individus qui, sans lui, ont entre eux des relations en dĂ©sordre. Il nâest tenu par aucune obligation contractuelle. La souverainetĂ© absolue est la condition de lâunitĂ© et de la paix civiles, quel que soit le rĂ©gime de gouvernement. Le souverain ne peut ĂȘtre destituĂ©, sinon par lui, ce qui est absurde, puisque le souverain est seul juge. Il dispose dâune totale immunitĂ©. Elle lui est attachĂ©e par nature, comme par nature il dispose du droit dâĂ©tablir des rĂšgles, de faire la guerre, de choisir ses conseillers 24. Le pouvoir Ă©tant absolu, la rĂ©volution ne peut ĂȘtre quâillĂ©gitime. Sa doctrine aboutit logiquement Ă lâabsolutisme. Principal thĂ©oricien, avec Locke, de lâĂtat au XVIIe siĂšcle, il se distingue radicalement de ce dernier, lequel, Ă lâinstar des libĂ©raux, met la libertĂ© au centre de sa construction, une libertĂ© qui veille aux conditions dâobĂ©issance au souverain, ce qui justifie quâun parlement contrĂŽle le pouvoir et la puissance de la souverainetĂ©. Si distincts quâils se prĂ©sentent Ă nous, Hobbes et Locke ont en commun dâavoir voulu concevoir lâĂtat sur des fondements empiriques. Hobbes, pour sa part, aura Ă©difiĂ© une thĂ©orie rationnelle du pouvoir fondĂ©e sur une nature humaine somme toute rĂ©duite, incapable de dĂ©passer son assuĂ©tude aux passions qui lâaniment. GĂ©rard LEROY 1 oĂč lâapprentissage du grec et du latin lui permettront de traduire LâHistoire de la Guerre du PĂ©loponnĂšse, de Thucydide. 2 cf. Lettre au P. Mersenne du 4 mars 1641, sur les relations entre Descartes et Hobbes. 3 Une chose qui pense est, selon Hobbes, quelque chose de corporel. cf. Thomas Hobbes, De la nature humaine, chap. XI, § 4-5. 4 cf. GalilĂ©e, LâEssayeur, 1628. 5 Le mot thĂ©ologie a Ă©tĂ© inventĂ© par Platon, au Livre II de la RĂ©publique, n° 379 âQuels sont les modĂšles thĂ©ologiques quâil faut suivre ?â 6 Thomas Hobbes, LĂ©viathan, Gallimard, coll. Folio Essais, 2001, chap. 13, pp. 220-228. 7 La BoĂ©tie, Le discours de la servitude volontaire, Payot. 8 Pour T. Hobbes, un des moteurs de la vie , câest la mort. 9 ce quâa vĂ©rifiĂ© Neil Armstrong dans les conditions du vide lunaire, pour les tĂ©lĂ©visions du monde. 10 T. Hobbes, LĂ©viathan, Gallimard, coll. Folio, chap. 13, p. 220. 11 pour Aristote, lâhomme est en quelque sorte ânormĂ©â par la CitĂ©. 12 Au chapitre X du LĂ©viathan , Hobbes distingue la puissance potentia, comme capacitĂ© Ă faire, du pouvoir potestas qui traduit la permission de faire. T. Hobbes, op. cit., chap. 10, p. 170ss. 13 LâidĂ©e dâun fondement laĂŻque du pouvoir, et donc de lâĂtat, apparaĂźt chez Grotius, Le Droit de la guerre et de la paix, trad. J. Barbeyrac, Amsterdam, Pierre de Coup, 1729, pp. 64-68. 14 T. Hobbes, op. cit., chap. 17. 15 id., chap. 17, p. 281, note 1. 16 id., chap. 17, p. 287. cf. aussi chap. 18, p. 293. 17 id., chap. 17, p. 288. 18 id., chap. 17, p. 288-289. 19 Câest cette union de la multitude et de lâunitĂ© que symbolise la couverture originale du LĂ©viathan. 20 âabandonner un droit ... câest se dĂ©faire de la libertĂ© quâon a dâempĂȘcher un autre de profiter du droit qui est le sien sur cette mĂȘme chose.â T. Hobbes, op. cit., chap. 14, p. 232. 21 T. Hobbes, op. cit., chap. 14, pp. 220-228. 22 voir la description du monstre LĂ©viathan dans le libre de Job. 23 David Hume pointera avec cynisme le caractĂšre Ă©goĂŻste des contractants, Ă©mettant un doute sur le bien-fondĂ© des contrats. 24 T. Hobbes, op. cit., chap. 18, pp. 290-304.
Introduction qu'est-ce que l'Etat ?Table des MatiĂšres1 Introduction qu'est-ce que l'Etat ?2 La question de lâorigine de lâEtat3 LâEtat lâorganisation et la rĂ©partition des pouvoirs4 LâEtat lâinstrument des classes dominantes5 La question de lâEtat et ses dĂ©rives totalitaristes6 Ni Dieu ni maĂźtre »7 Les autres conceptions de l'Etat8 Conclusion La sociĂ©tĂ© ne va pas de soi. Elle se doit, pour maintenir une cohĂ©sion sociale, dâĂȘtre rĂ©glementĂ©e par des lois, organisĂ©e autour dâun pouvoir rĂ©gulateur, un pouvoir politique. Or, qui dit rĂ©glementation dit nĂ©cessairement contraintes, obligations, devoirs. Sâil existe des sociĂ©tĂ©s rĂ©glĂ©es sans le pouvoir dâun Etat ex les sociĂ©tĂ©s primitives, elles demeurent nĂ©anmoins fondĂ©es sur des rĂšgles, des rites et tabous qui organisent la vie en communautĂ©. Pour les sociĂ©tĂ©s organisĂ©es autour dâun pouvoir politique, câest lâEtat qui incarne ce pouvoir. La question de lâorigine de lâEtat LâEtat le pouvoir politique une pluralitĂ© de formes possibles de ce pouvoir. Texte dâAristote Ethique Ă Nicomaque Selon Aristote, il existe trois types de constitutions 1 la royautĂ©, 2 lâaristocratie, 3 la timocratie politeia. La meilleure est la premiĂšre, la pire est la troisiĂšme. Selon Aristote, lâopposĂ© du meilleur est toujours le pire » et la dĂ©rive du rĂ©gime considĂ©rĂ© comme le plus adĂ©quat est la tyrannie royautĂ© et tyrannie sont toutes les deux des monarchies mais la relation que le roi et le tyran entretiennent avec le pouvoir politique exercĂ© diffĂšre quant Ă lorientation de lâintĂ©rĂȘt alors que le roi exerce le pouvoir dans lâintĂ©rĂȘt de ses sujets, le tyran ne vise que son intĂ©rĂȘt personnel. Un mauvais roi devient un tyran on peut donc admettre la concentration des pouvoirs en une seule main comme le risque dâun dĂ©tournement de la fonction mĂȘme du politique qui ne sert plus la CitĂ© pour rĂ©aliser sa fonction dans la collectivitĂ© mais qui, au contraire, se sert de la CitĂ© pour rĂ©pondre Ă ses ambitions individualistes. Aristote conclue que la timocratie et la dĂ©mocratie sont voisines car se fondant et cherchant le pouvoir de la masse La dĂ©mocratie est la moins mauvaise des constitutions corrompues car ce nâest quâune faible dĂ©viation constitutionnelle ». Transition Pour que le pouvoir politique puisse se rĂ©aliser dans sa fonction premiĂšre, il semble nĂ©cessaire quâau sein du pouvoir, quâau sein de lâEtat, les pouvoirs soient sĂ©parĂ©s les uns des autres. LâEtat doit donc sâorganiser Ă partir dâune organisation des pouvoirs. LâEtat lâorganisation et la rĂ©partition des pouvoirs Aristote Politique LII Les termes constitutions et gouvernement ont la mĂȘme signification ». Aristote Politique LIV Toutes les constitutions comportent trois parties » Quand ces parties sont en bon Ă©tat, la constitution est nĂ©cessairement elle-mĂȘme en bon Ă©tat » Les trois parties selon Aristote Le pouvoir dĂ©libĂ©ratif dĂ©libĂšre quant Ă la guerre, la paix, les alliances câest le pouvoir dĂ©cisionnel. Le pouvoir exĂ©cutif la magistrature elle applique les dĂ©cisions prises. Le pouvoir judiciaire celui qui rend la justice les membres qui le constituent sont des citoyens tirĂ©s au sort ou Ă©lus et constituent un tribunal. Transition LâEtat repose ainsi sur la participation active du citoyen Ă la vie publique, Ă lâinteraction entre le pouvoir Ă©tatique et lâengagement du citoyen dans la vie politique de la CitĂ©. Mais cette interaction ne repose-t-elle pas sur lâidĂ©e mĂȘme de communautĂ© », dâune histoire commune de lâhumanitĂ© ? Engels lâEtat une production de la production Ce sont les hommes qui font leur histoire mais dans un milieu qui les conditionne » Il y a un lien entre ce qui a Ă©tĂ©, ce qui est et ce qui sera enchainement des causes et des effets interaction entre les conditions Ă©conomiques, sociales, politiques. Ce nâest pas la conscience qui dĂ©termine la condition sociale mais la condition sociale qui dĂ©termine la conscience Marx. Toute sociĂ©tĂ© est fondĂ©e sur la production et les Ă©changes que celle-ci gĂ©nĂšre. De la rĂ©partition de la production dĂ©coule la rĂ©partition des classes sociales. DĂšs lors, pour expliquer ce quâest lâhomme, les analyses mĂ©taphysiques, philosophiques ne font pas sens. Câest par lâanalyse de la modification des moyens de production, de la production elle-mĂȘme et des Ă©changes que lâon peut comprendre le fonctionnement social et politique dâune sociĂ©tĂ©. Quand la production dâune sociĂ©tĂ© devient trĂšs Ă©levĂ©e et donc que le degrĂ© de dĂ©veloppement Ă©conomique dâune sociĂ©tĂ© augmente, la crĂ©ation dâun Etat apparait comme une nĂ©cessitĂ©. LâEtat est donc le produit de la sociĂ©tĂ© ». La fonction de celui-ci consiste alors Ă estomper les diffĂ©rences sociales. LâEtat a pour fonction de rĂ©guler et la production et les richesses qui dĂ©coulent de la production. Engels LâEtat nâexiste donc pas de toute Ă©ternitĂ©. Il y a eu des sociĂ©tĂ©s qui se sont tirĂ©es dâaffaire sans lui, qui nâavaient aucune idĂ©e de lâEtat et du pourvoir dâEtat. A un certain stade de dĂ©veloppement Ă©conomique qui Ă©tait nĂ©cessairement liĂ© Ă la division de la sociĂ©tĂ© en classes, cette division fit de lâEtat une nĂ©cessitĂ© ». Transition Cependant, une question se pose si lâEtat apparait comme la consĂ©quence logique » dâun certain degrĂ© quant au dĂ©veloppement Ă©conomique dâune sociĂ©tĂ©, il se signale comme ce qui vient rationaliser les Ă©changes. Mais lâEtat remplit-il cette fonction ? Etabli pour limiter les diffĂ©rences sociales, lâEtat limite-t-il les inĂ©galitĂ©s ou les renforce-t-il ? LâEtat lâinstrument des classes dominantes Texte de Engels Lâorigine de la famille, de la propriĂ©tĂ© privĂ©e et de lâEtat » Selon Engels, lâEtat est au service des classes dominantes qui, par lâEtat, justifient la division de la sociĂ©tĂ© en classes sociales mues par des intĂ©rĂȘts contradictoires. LâEtat serait un instrument politique qui masque le conflit rĂ©el qui sâest Ă©tabli dans la sociĂ©tĂ© la lutte des classes entre la classe bourgeoise et la classe prolĂ©tarienne. A lâorigine, lâEtat est nĂ© du besoin de limiter cette lutte. Mais parce quâil a Ă©tĂ© créé par la classe dominante, lâEtat est devenu un pouvoir Ă©conomique qui sâest octroyĂ© le pouvoir politique pour se maintenir dans son pouvoir dirigeant. LâEtat serait lâincarnation du pouvoir des plus puissants pour se maintenir comme puissants et opprimer encore davantage les classes opprimĂ©es sous son pouvoir. Tenons pour exemples lâAntiquitĂ© le pouvoir politique appartenait aux maĂźtres face aux esclaves, puis dans la pĂ©riode fĂ©odale ce pouvoir fut aux mains des seigneurs face aux serfs, et maintenant ce pouvoir est dĂ©tenu par la classe bourgeoise face au prolĂ©tariat. LâEtat nâest donc pas le garant de lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral mais lâinstrument de lâintĂ©rĂȘt particulier de la classe dominante. LâEtat nâest pas sĂ©parĂ© de la sociĂ©tĂ©, il est plutĂŽt partie prenante des conflits sociaux et il est au service de lâoppresseur pour maintenir son pouvoir sur lâoppressĂ©. Transition Un problĂšme apparait alors si lâEtat est un instrument politique au service dâune minoritĂ© dominante, il peut rapidement devenir le pouvoir dâun seul homme. Si la dĂ©mocratie repose sur lâidĂ©e dâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et si cet intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral se retrouve dans les mains dâun seul homme qui prĂŽne son intĂ©rĂȘt particulier, lâEtat peut devenir totalitariste. Cependant le totalitarisme nâest pas le seul apanage dâun despote, un Etat providence peut devenir un Etat totalitaire. DĂšs lors, pour Ă©viter cette dĂ©rive ne peut-on pas penser la sociĂ©tĂ© sans pouvoir Ă©tatique ? La question de lâEtat et ses dĂ©rives totalitaristes Texte de Clastres La sociĂ©tĂ© contre lâEtat » LâEtat est-il vraiment nĂ©cessaire, peut-on penser une sociĂ©tĂ© sans Etat ? Selon Clastres Les sociĂ©tĂ©s primitives sont des sociĂ©tĂ©s sans Etat. On pense que ce manque signifie une incomplĂ©tude, quâune sociĂ©tĂ© sans Etat est une sociĂ©tĂ© inaboutie et que ces sociĂ©tĂ©s ne seraient pas totalement civilisĂ©es. Or, cette pensĂ©e fait preuve dâethnocentrisme qui signifie lire une sociĂ©tĂ© Ă partir des valeurs qui rĂ©gissent celle Ă laquelle jâappartiens et qui en diffĂšrent. Câest considĂ©rer une culture particuliĂšre comme Ă©tant la rĂ©fĂ©rence universelle. Inconsciemment je pense ces sociĂ©tĂ©s Ă lâaune de mes valeurs et je pose lâEtat comme la finalitĂ© de toutes les sociĂ©tĂ©s. Je pense alors les sociĂ©tĂ©s primitives comme Ă©tant anachroniques ». Autre erreur de lâethnocentrisme penser que lâhistoire suit un sens unique, quâelle ne peut suivre une multitude de directions et de choix diffĂ©rents. Câest penser quâil nây a quâune seule direction et quâun sens Ă lâhistoire. Ce qui est une erreur, un prĂ©jugĂ©. LâĂ©tat dâune civilisation nâest pas nouĂ© Ă la crĂ©ation de lâEtat une sociĂ©tĂ© peut ĂȘtre civilisĂ©e » sans Etat et une sociĂ©tĂ© avec Etat peut ĂȘtre barbare ». Transition LâEtat nâest pas une fin en soi, il nâest pas nĂ©cessairement le but et la finalitĂ© dâune sociĂ©tĂ©. Certaines sociĂ©tĂ©s se rĂ©gulent sans lâautoritĂ© dâun pouvoir Ă©tatique. Or, si lâEtat nâest pas une fin en soi, alors câest quâil nâest quâun moyen, un instrument. Et sâil est un instrument, il peut aussi ĂȘtre instrumentalisĂ©, utilisĂ© pour le bien ou pour le mal. Ainsi, mĂȘme un Etat qui se veut juste » parce quâĂ la recherche du bonheur et du bien de tous peut sâavĂ©rer dangereux, crĂ©ant un despotisme de lâĂ©galitarisme. Texte de Tocqueville De la dĂ©mocratie en AmĂ©rique » La dĂ©mocratie et son souci Ă©galitaire peuvent conduire paradoxalement au totalitarisme et Ă la limitation de la libertĂ© individuelle par la destruction du libre arbitre. La trop grande uniformitĂ© nĂ©e de la volontĂ© gĂ©nĂ©rale peut engendrer un endormissement de lâindividualitĂ© du sujet et le transformer en bĂȘte de troupeau. Cet Etat providence il ne brise pas les volontĂ©s, il les ramollit ». Il rĂ©duit enfin chaque nation Ă nâĂȘtre plus quâun troupeau dâanimaux timides et industrieux dont le gouvernement est le berger ». Une prise en charge totale de lâhomme par lâEtat implique un abĂȘtissement, une dĂ©responsabilisation. Sous couvert de faire le bonheur de tous, cet Etat providence engendre une uniformisation des hommes qui se rĂ©duisent en une masse anonyme, indistincte et qui tue lâoriginalitĂ©, la particularitĂ© de chacun. Cet Etat providence peut ainsi engendrer le malheur de chacun sous couvert de vouloir faire le bonheur de tous et finalement crĂ©e une sociĂ©tĂ© amorphe, homogĂšne, incapable de penser et de crĂ©er de maniĂšre autonome et inventive. Ce que lâEtat providence peut engendrer un despotisme dâun genre nouveau, la volontĂ© dâune sociĂ©tĂ© Ă©galitaire, une nouvelle forme dâoppression qui conduit Ă une sociĂ©tĂ© Ă©galitariste, massifiĂ©e, lĂ©thargique, uniformisĂ©e. Transition La dĂ©mocratie, lorsquâelle se fait Etat providence peut ainsi aboutir Ă ce contre quoi elle a toujours prĂ©tendu lutter le despotisme par lâĂ©galitarisme. Lâusage de la propagande, de lâendoctrinement au profit dâun Etat viciĂ© qui instrumentalise le peuple et qui finit par user de la terreur pour le soumettre le mal collectif sous couvert du bien gĂ©nĂ©ral. Texte de H. Arendt Des origines du totalitarisme » Seuls les sujets incultes ou les Ă©lites sont attirĂ©s par le totalitarisme lâĂ©lite parce quâelle veut ĂȘtre Ă sa tĂȘte, le peuple parce quâil est vu comme une masse indiffĂ©renciĂ©e. DĂ©finition du totalitarisme Etat qui rassemble la totalitĂ© des pouvoirs dans les mains dâun seul parti qui nâaccepte aucune opposition, aucune rĂ©sistance, aucun autre pouvoir et qui tend Ă confisquer la totalitĂ© des activitĂ©s de la sociĂ©tĂ© quâil domine. Dans la dĂ©mocratie, le pouvoir totalitaire est limitĂ© par la loi, la libertĂ© de paroles et dâopinions ce pouvoir contre balance celui effectuĂ© par la propagande mise en place par un pouvoir totalitaire naissant. DĂ©finition de dĂ©mocratie » doctrine dans laquelle la souverainetĂ© doit appartenir Ă lâensemble des citoyens il sâagit souvent dâune RĂ©publique. Le totalitarisme en place remplace la propagande par lâendoctrinement. La propagande permettait de propager des idĂ©es, lâendoctrinement cherche Ă convaincre le peuple pour quâil adhĂšre aux idĂ©es propagĂ©es. Le totalitarisme est insidieux il utilise ce qui Ă©tait tu Ă lâopinion donc ce que le peuple ignorait en lui faisant croire que ce qui Ă©tait tu lâĂ©tait par la volontĂ© de dissimuler la corruption. Le totalitarisme fabrique des contre-vĂ©ritĂ©s quâil prĂ©sente comme des rĂ©vĂ©lations au peuple. Cf le film Le dictateur » de C. Chaplin. Transition Les rĂšgles de lâart de gouverner dĂ©coulent toujours du phĂ©nomĂšne suivant tout pouvoir sâefforce de se maintenir, lâEtat ne cherche que sa propre conservation contre tout danger extĂ©rieur. La politique doit rester en prise directe avec les rĂ©alitĂ©s du monde quâelle gouverne. La question relative Ă lâart de gouverner se pose avec Machiavel. Il ne se pose pas la question de la lĂ©gitimitĂ© du pouvoir politique mais celle du comment maintenir une stabilitĂ© politique. Machiavel Le Prince ou lâart de gouverner La question de Machiavel celle de lâart de gouverner pour se maintenir au pouvoir, le Prince doit-il se faire aimer ou se faire craindre ? Le but du Prince se conserver. Selon Machiavel, les hommes sont Ă©goĂŻstes, il en va de mĂȘme pour le Prince. En premier, il promet, puis il fait face aux rĂ©alitĂ©s. Le but du Prince la sĂ©curitĂ©, la stabilitĂ© pour se maintenir au pouvoir. Et pour cela, il doit se faire craindre. Lâart de gouverner se faire aimer ou se faire craindre ? Pour ĂȘtre aimĂ©, il faut non pas ĂȘtre liĂ© par de lâaffect mais par des intĂ©rĂȘts communs avec ses sujets. Mais un risque menace une relation fondĂ©e sur lâintĂ©rĂȘt est par dĂ©finition instable car les intĂ©rĂȘts peuvent changer et alors le lien entre le Prince et ses sujets se fragilise et peut se dĂ©truire. Dans une telle relation, le Prince est dĂ©pendant et donc fragilisĂ©. Il faut donc davantage se faire craindre car ainsi le prince crĂ©e une situation dans laquelle il est le seul maĂźtre du dĂ©but Ă la fin. Ne se fondant que sur lui, son autoconservation est assurĂ©e. Mais cette crainte ne doit pas aller jusquâĂ la terreur et la haine sinon il y a risque dâalliance subversives, risque de rassemblement des sujets qui voudraient Ă©liminer le prince. La crainte est donc nĂ©cessaire dans lâart de gouverner et le pouvoir nâest sĂ»r que sâil est reconnu par les sujets et que le prince incarne lâimage du pouvoir Pour bien connaitre la nature des peuples il faut ĂȘtre prince, et pour celle des princes, ĂȘtre populaire ». Le prince doit donc ĂȘtre modĂ©rĂ©, il doit rassembler, unifier et sâil utilise parfois des moyens cruels, lâusage quâil fait de la cruautĂ© doit toujours ĂȘtre inscrit dans une finalitĂ© qui vient la justifier comme un mal nĂ©cessaire pour un bien politique. Transition Lâart de gouverner implique le sens de la stratĂ©gie et cette stratĂ©gie reste au service de la volontĂ© de lâEtat de se maintenir comme pouvoir lâEtat ne chercherait-il pas que sa propre autoconservation ? Lâabus de pouvoir de lâEtat, la mise sous tutelle de lâindividu par le pouvoir Ă©tatique peut permettre une interrogation quant Ă la lĂ©gitimitĂ© mĂȘme de lâEtat. LâautoritĂ© politique peut en effet ĂȘtre lue comme paternaliste, tendant Ă infantiliser lâindividu qui voit son individualitĂ© castrĂ©e. Cette remise en question du pouvoir Ă©tatique quant Ă sa lĂ©gitimitĂ© se trouve interrogĂ©e par la pensĂ©e anarchiste. On note deux branches de la pensĂ©e anarchiste celle collectiviste, avec Bakounine, celle individualiste avec Stirner. Ni Dieu ni maĂźtre » Lâanarchisme individualiste. Anarchisme » absence dâordre ne signifie pas le dĂ©sordre mais ce qui ne rĂ©pond Ă aucun ordre ce qui ne rĂ©pond que de soi par soi et pour soi et qui se sait ĂȘtre responsable de ses actes. De fait, la pensĂ©e anarchiste ne peut reconnaitre la lĂ©gitimitĂ© du pouvoir Ă©tatique car lâEtat signifie une prise en charge autoritaire et instrumentalisĂ©e de la libertĂ© du sujet un assujettissement pour le profit de quelques-uns qui sâoctroient des droits sur tous. Bakounine Etat veut dire domination, et toute domination suppose lâassujettissement des masses et par consĂ©quent leur exploitation au profit dâune minoritĂ© gouvernante quelconque ». Voyons maintenant si cette thĂ©ologie politique, de mĂȘme que la thĂ©ologie religieuse, ne cachent pas sous de trĂšs belles et poĂ©tiques apparences, des rĂ©alitĂ©s trĂšs communes et trĂšs sales ». Toute thĂ©orie consĂ©quente et sincĂšre de lâEtat est essentiellement fondĂ©e sur le principe de lâautoritĂ©, câest-Ă -dire sur cette idĂ©e Ă©minemment thĂ©ologique, mĂ©taphysique, politique, que les masses, toujours incapables de se gouverner, devront subir en tout temps le joug bienfaisant dâune sagesse et dâune justice qui, dâune maniĂšre ou dâune autre, leur seront imposĂ©es dâen haut ». Selon la pensĂ©e anarchiste collectiviste, lâhomme a une tendance naturelle Ă se rapprocher des autres hommes. Il est un ĂȘtre rationnel qui sâunit aux autres hommes suivant les affects et les centres dâintĂ©rĂȘt. Et il est suffisamment adulte et responsable pour savoir ce quâil a Ă faire sans quâune autoritĂ© ne vienne le lui dire. Il nâa donc pas besoin de lâEtat. LâEtat ne fait que se servir lui-mĂȘme⊠Transition Mais la volontĂ© de se libĂ©rer de toute tutelle peut se prolonger jusquâĂ lâaffirmation radicale et dĂ©finitive de lâindividualitĂ© irrĂ©ductible du sujet qui reconnait son identitĂ© comme stricte propriĂ©tĂ©, par essence unique et inaliĂ©nable. Prenant en compte la nature essentiellement Ă©gotiste de lâhomme, et donc, par nature, incompatible avec toute idĂ©e de collectivitĂ©, de sociabilitĂ©, la nĂ©gation de lâEtat peut logiquement aboutir Ă la non reconnaissance de tout ce qui fonde la sociĂ©tĂ© et peut mĂȘme prĂ©senter la sociĂ©tĂ© contre-nature. LâEtat, la sociĂ©tĂ©, sont-ils lâaboutissement de la nature rationnelle de lâhomme ou le produit dâune dĂ©naturation de la fondamentale libertĂ© naturelle de celui-ci ? RĂ©alisation ou domestication ? Anarchisme individualiste Stirner Lâunique et sa propriĂ©tĂ© » Ne reconnaitre aucun devoir, câest-Ă -dire ne pas me lier et ne pas me regarder comme liĂ©. Si je nâai pas de devoir, je ne connais pas non plus de loi⊠» Stirner La volontĂ© individuelle et lâEtat sont des puissances ennemies, entre lesquelles aucune paix Ă©ternelle » nâest possible. Tant que lâEtat se maintient, il proclame que la libertĂ© individuelle, son Ă©ternel adversaire, est dĂ©raisonnable, mauvaise⊠Et la volontĂ© individuelle se laisse convaincre, ce qui prouve quâelle lâest en effet elle nâa pas encore pris possession dâelle-mĂȘme, ni pris conscience de sa valeur, aussi est-elle encore incomplĂšte, mallĂ©able ». Lâabolition de lâEtat dans ce qui le fonde procĂšde dâun retour Ă lâindividualitĂ©, au risque du soi. Mais ce risque prĂ©sente aussi une autre lecture de lâhomme, Ă savoir celle qui le comprend comme essentiellement unique et qui doit portĂ©e cette unicitĂ© par-delĂ le Bien et le Mal. Conclusion LâEtat en peut pas ĂȘtre un degrĂ© de civilisation par-delĂ ou grĂące Ă lâabsence de lâEtat, les sociĂ©tĂ©s primitives rĂ©pondent de structures sociales dĂ©veloppĂ©es, hiĂ©rarchisĂ©es, de rites Ă©laborĂ©sâŠParallĂšlement, certains Etats celui dâHitler⊠ont engendrĂ© une rationalisation industrielle » du mal. En ce sens, lâEtat ne peut plus ĂȘtre lu comme lâaboutissement le plus accompli de la Raison. LâEtat apparait comme un instrument politique Ă double tranchant ; il sĂ©curise en mĂȘme temps quâil soumet, il rationalise la pluralitĂ© des identitĂ©s en mĂȘme temps quâil limite la diversitĂ© des individualitĂ©s. Sa difficultĂ© consiste Ă trouver la juste mesure quant Ă lâexercice du pouvoir quâil incarne. Cet Ă©quilibre est prĂ©caire et demande de lâattention de la part du citoyen qui doit demeurer vigilant quant aux dĂ©rives possibles et Ă lâabus de pouvoir. Equilibre prĂ©caire aux mains dâun seul homme ou dâun pouvoir totalitaire, lâEtat peut devenir ce qui dĂ©shumaniseâŠNous partirons de la dĂ©finition classique de lâEtat entendu comme Etat-nation, tel quâil sâest construit depuis le XIXĂšme siĂšcle, câest-Ă -dire lâadĂ©quation dâune nation, dâun territoire, et dâune organisation politique dĂ©terminĂ©e. Les autres conceptions de l'Etat Des souverainistes aux fĂ©dĂ©ralistes, faisons un tour d'horizon des conceptions de l'Etat, et de l'Etat au sein de l'Europe. L'Etat-nation structure politique indĂ©passable de la modernitĂ© politique Approche naturaliste Hegel,La philosophie de l'Histoire lâEtat est lâĂ©tape ultime de lâhistoire, la fin de lâhistoire. Lâincarnation de la raison universelle, le stade dernier de lâĂ©volution des sociĂ©tĂ©s. LâEtat seul peut incarner lâUniversel, le dĂ©passement des intĂ©rĂȘts particuliers. Le vingtiĂšme siĂšcle semble, Ă priori, lui donner raison vu la dĂ©multiplication du nombre dâEtats dans le monde chute du bloc communiste, partition de lâex-Yougoslavie, la dĂ©colonisation, âŠ. Approche contractualiste Hobbes, Le Leviathan lâEtat rĂ©sulte du pacte passĂ© entre les membres dâune sociĂ©tĂ© et le LĂ©viathan en Ă©change de la sĂ©curitĂ©, il accepte dâabandonner leur libertĂ© naturelle. Chez Hobbes, la souverainetĂ© de lâEtat est absolue, indivisible dans cette perspective, le remplacement de lâEtat correspond au retour Ă lâĂ©tat de nature, sauvage et violent. Remplacement comme rĂ©gression rĂ©ponse possible car il sâagit dâun contrat, par nature rĂ©vocable, mais pas nĂ©cessaire. Le Souverainisme seul l'Etat est garant de la cohĂ©sion dâun territoire et de celle de lâidentitĂ© principe hĂ©gĂ©lien pour se poser, il faut sâopposer. Ainsi, les frontiĂšres sont, constituent un critĂšre de reconnaissance. La collectivitĂ©, pour sâaffirmer comme nation, doit se reconnaĂźtre dans une entitĂ© politique qui lui correspond. Tout dĂ©passement de lâEtat entraĂźne une dissolution des identitĂ©s, un vide moral, une perte de repĂšres. Les philosophes et la critique radicale de l'Etat Pour les autres courants de pensĂ©e, l'Etat est, comme Nietzsche l'affirmait, le âplus froid des monstres froidsâ, l'institution Ă abattre Communisme Marx, Engels l'Etat est lâinstrument de la classe bourgeoise, la structure qui masque la domination du capital sur le prolĂ©tariat. Philosophie de lâhistoire historicisme DĂ©pĂ©rissement de lâEtat est liĂ© au destin de lâhistoire. Anarchisme Bakounine autogestion des individus, toute structure transcendante est forcĂ©ment synonyme dâoppression, de violence. Libertarianisme Rothbard Etat est une association de malfaiteurs qui extorquent illĂ©gitimement les propriĂ©tĂ©s individuelles. Seule lâorganisation par les individus, sans autoritĂ© supĂ©rieure, crĂ©ent une sociĂ©tĂ© optimale. RĂšgne de lâĂ©conomie, engloutissement du politique dans lâĂ©conomie. FĂ©dĂ©ralisme ls Etats doivent se dissoudre dans des entitĂ©s plus grandes, voire une seule et mĂȘme entitĂ©. Il s'agit de l'horizon d'un gouvernement mondial tradition instaurĂ©e par lâabbĂ© de Saint-Pierre. David Held dans l'ouvrage Democracy and the global order dĂ©fend la thĂšse dâun Etat mondial, fondĂ© sur une conscience cosmopolite. Chacun est inclut dans la communautĂ© mondiale comme citoyen. Les institutions sont supra-nationales Parlement mondial, cour pĂ©nale internationale permanente, conseil de sĂ©curitĂ© disposant dâun pouvoir exĂ©cutif. Une troisiĂšme voie pour l'Etat Une troisiĂšme voie, entre disparition de l'Etat et son renforcement, a Ă©tĂ© dĂ©fini par Habermas. Cette position mĂ©diane essaie de concilier, dans une approche volontariste, la nĂ©cessitĂ© de lâexistence de lâEtat-nation et son dĂ©passement. Dans AprĂšs lâEtat-nation, Habermas dĂ©fend lâidĂ©e selon laquelle la mondialisation Ă©conomique, câest-Ă -dire la trans-nationalitĂ© des flux Ă©conomiques, rend les frontiĂšres poreuses mais sur la question des frontiĂšres, on peut Ă©galement penser Ă lâinternationalisation des risques Ă©cologiques Tchernobyl, les marĂ©es noires, la grippe aviaire, ⊠rĂ©duit la capacitĂ© dâaction des Etat-nations, remet en cause leur souverainetĂ©, de telle sorte quâils ne peuvent plus assurer les fonctions de protection, de redistribution des ressources, bref les fonctions de rĂ©gulation intĂ©rieure quâils remplissaient autrefois. Autrement dit, lâEtat-nation, comme sociĂ©tĂ© capable dâagir sur elle-mĂȘme, qui sâauto-gĂšre de maniĂšre endogĂšne, nâexiste plus que partiellement. Câest pourquoi, il faut, selon Habermas, rĂ©injecter du politique, ne pas laisser tout le champ social ĂȘtre rĂ©gulĂ© par lâĂ©lĂ©ment Ă©conomique bref, il faut rĂ©assujettir lâĂ©conomie au politique, domestiquer lâĂ©conomie, renverser le primat de lâargent sur le pouvoir politique ; Mais pour cela, les Etat-nations ne sont pas assez puissants pour rĂ©sister seuls Ă la pression de la mondialisation. Les Etat-nations doivent transfĂ©rer des compĂ©tences Ă un niveau supranational. LâEurope prĂ©figure ainsi cette figure de lâEtat postnational, seul capable dâassurer Ă la fois la justice sociale et lâefficacitĂ© marchande. Cependant, dans lâhorizon postnational, il faut que les institutions politiques se fondent sur une lĂ©gitimitĂ© comment concevoir une lĂ©gitimitĂ© dĂ©mocratique des dĂ©cisions prises au-delĂ de lâorganisation Ă©tatique crĂ©ation dâespaces publics transnationaux. Conclusion Ainsi, paradoxalement, câest le dĂ©passement de lâEtat-nation par la construction dâentitĂ©s politiques plus vastes qui permet la conservation des Etat-nations car dâun cĂŽtĂ©, lâEtat-nation nâest pas assez fort pour se porter Ă la hauteur de lâĂ©conomie mondialisĂ©e et endiguer seul les effets pervers des marchĂ©s, mais dâun autre cĂŽtĂ©, lâEtat-nation est insubstituable dans son rĂŽle de maintien, de catalyseur de lâidentitĂ© collective.
PubliĂ© le 21 juil. 2022 Ă 1425Mis Ă jour le 8 aoĂ»t 2022 Ă 1551Lâinflation est aujourdâhui est au cĆur des grandes orientations Ă©conomiques mondiales, elle prĂ©occupe les gouvernements, les Etats, au point de mettre en danger les plus fragiles financiĂšrement. OmniprĂ©sente dans les discussions politiques, lâinflation est aussi au centre de dĂ©bats entre spĂ©cialistes, objet dâoppositions entre les "faucons", partisans de lâorthodoxie monĂ©taire et les "colombes", qui plaident pour un plus grand soutien Ă lâĂ©conomie, elle rythme et rythmera encore de longs mois notre quotidien. JusquâĂ la premiĂšre moitiĂ© de lâannĂ©e 2023 si lâon en croit les prĂ©dictions du Gouverneur de la Banque de France lors dâun entretien aux Echos ».L'inflation bouleverse Ă©galement les Ă©quilibres sociaux, comme en Allemagne, oĂč elle menace dĂ©sormais la cohĂ©sion du pays. Dans ce dossier, Les Echos » vous proposent une sĂ©lection de textes de nos meilleurs contributeurs pour comprendre et analyser les enjeux Ă©conomiques, politiques et sociaux dâune notion aux multiples facettes, dĂ©sormais inhĂ©rente Ă notre vie quotidienne.
Doit-on abolir LâEtat Lâhistoire a Ă©tĂ© marquĂ©e par des interrogations sur la place de lâEtat, sur son rĂŽle politique et social. LâEtat se dĂ©finit par un ensemble dâadministration, dâinstitutions censĂ©es rĂ©gler la vie en sociĂ©tĂ© par lâinstauration de lois pour Ă©viter que les hommes ne se nuisent entre eux. LâEtat est donc certes un bienfait pour lâhomme mais il constitue Ă©galement unecontraint. Est-ce Ă dire que lâEtat est un mal nĂ©cessaire ? Il sâagit donc ici dâarticuler les notions de moralitĂ©, que lâon peut dĂ©finir comme science du bien, et de la politique qui est lâart de gouverner la citĂ© antique ou lâEtat moderne aujourdâhui. LâEtat est-il nĂ©cessaire ? En quoi peut-il constituer un mal pour lâhomme ? De lĂ , peut-on en dĂ©duire que câest cette part » mauvaise » de lâEtat qui estnĂ©cessaire, ou nâest-ce pas plutĂŽt un autre de ses aspects qui lâest ? Nous sommes donc amenĂ©s Ă nous interroger sur la » lĂ©gitimitĂ© » de lâaccomplissement du mal par lâEtat. Ne peut-on pas concevoir un type dâEtat qui rĂ©pondrait Ă cette nĂ©cessitĂ© tout en Ă©vitant le mal ? Il faudra donc, dans un premier temps, sâinterroger sur ce qui peut rendre la mise en place dâun Etat nĂ©cessaire ; puis, dansun second temps, nous verrons dans quelle mesure lâEtat peut ĂȘtre jugĂ© bon ou mauvais et quelle est alors sa lĂ©gitimitĂ©. Enfin, nous nous pencherons sur les conditions de possibilitĂ© dâun Etat sans mal, ou du moins dâun Etat qui sâĂ©loignerait du mal. Lâanalyse de la nature humaine permet de justifier ou non la mise en place dâun Etat. Toutefois, les caractĂ©ristiques de lâhomme Ă lâĂ©tat denature diffĂšrent selon les philosophes qui les Ă©tudient. Cela aboutit-il pour autant Ă des conceptions diffĂ©rentes quant Ă la mise en place dâun Etat ou quant Ă la forme prise par celui-ci ? Pour Aristote, Lâhomme est un animal politique, autrement dit, lâhomme ne peut se concevoir que dans le cadre de la sociĂ©tĂ©. Pour les Anciens, le monde suit une hiĂ©rarchie, un ordre naturel. Lâessence prĂ©cĂšdelâexistence et chacun a une place dans le monde qui lui revient selon sa nature. Le mal, la violence procĂšde par consĂ©quent dâune atteinte Ă cet ordre. LâEtat apparaĂźt alors nĂ©cessaire pour faire respecter cet ordre naturel qui garantit la paix. Bossuet, un peu plus tard, propose une vision analogue de lâEtat Ă ceci prĂšs que cet ordre naturel est dâorigine divine. Dans les deux cas, lâEtat estlĂ©gitimĂ© par une transcendance la nature ou Dieu, ce qui sâoppose aux thĂ©oriciens du » contrat social » selon lesquels lâEtat tire sa lĂ©gitimitĂ© de la sociĂ©tĂ© elle-mĂȘme, de la nature de lâhomme. Il relĂšve donc dâune dĂ©cision des hommes, il est instituĂ©. En effet, Rousseau explique dans son Discours sur lâorigine et les fondements de lâinĂ©galitĂ© parmi les hommes 1755 que lâhomme est Ă lâĂ©tat de natureun ĂȘtre amoral qui vit seul. La non-satisfaction de ses besoins par la nature lâamĂšne alors Ă constituer une sociĂ©tĂ©. Ainsi, la sociĂ©tĂ© serait une provocation et non une vocation comme le sous-entend Aristote. Avec cette sociĂ©tĂ© apparaissent les passions, les rivalitĂ©s et les conflits entre les hommes. Lâinstauration dâun Etat lĂ©gislateur devient alors nĂ©cessaire. Pour Hobbes Le LĂ©viathan,lâhomme est un loup pour lâhomme. En effet, lâhomme a selon lui une propension naturelle Ă faire le mal et lâĂ©tat de nature est un Ă©tat de guerre permanente. LâEta apparaĂźt alors comme autoritĂ© pour rĂ©gler cette sociĂ©tĂ©, corriger lâhomme et lâempĂȘcher dâaccomplir la violence. Enfin, Locke, pour sa part, considĂšre la libertĂ© et lâĂ©galitĂ© comme des attributs, prĂ©-politiques de lâhomme. LâEtat est alorslĂ pour les prĂ©server. Lâinstauration dâun Etat semble donc ĂȘtre une Ă©tape indispensable Ă lâĂ©volution de toute sociĂ©tĂ©, ce qui est confirmĂ© par les utopies que constituent les sociĂ©tĂ©s sans Etat. En effet, les apologistes de lâanarchie que sont Proudhon et Bakounine considĂšrent lâEtat comme un mal en lui-mĂȘme qui nâest pas nĂ©cessaires. De mĂȘme la » dictature du prolĂ©tariat » prĂŽnĂ©e parâŠ
l etat est il un mal nécessaire